1922 – 2022 : Un centenaire marial – avec le secours de Marie, sa Mère et notre Mère !
Cette année, nous fêtons le 100e anniversaire de la proclamation de Marie comme patronne principale de France et de Jeanne d’Arc comme patronne secondaire. Jacques de la Bastide (ancien président de l’Association Marie de Nazareth et membre de l’association du M de Marie) répond à nos questions sur cet anniversaire extraordinaire et la manière de le célébrer.
Cher Jacques, que s’est-il passé exactement le 2 mars 1922, il y a 100 ans ?
JLB : Le 2 mars 1922, le pape Pie XI a posé un acte solennel dénommé « Galliam, Ecclesiae filiam primogénitam » ainsi notamment rédigé : «… motu proprio, de science certaine et après mûre délibération, dans la plénitude de Notre pouvoir apostolique, par la force des présentes et à perpétuité, Nous déclarons et confirmons que la Vierge Marie Mère de Dieu, sous le titre de son Assomption dans le ciel, a été régulièrement choisie comme patronne principale de toute la France auprès de Dieu… »
Dans le même document, Pie XI posait un second acte solennel, cette fois-ci concernant Jeanne d’Arc : «… Nous déclarons avec la plus grande joie et établissons la pucelle d’Orléans admirée et vénérée spécialement par tous les catholiques de France comme l’héroïne de la patrie, sainte Jeanne d’Arc, vierge, patronne secondaire de la France, choisie par le plein suffrage du peuple… »
Quels sont les événements (populaires et/ou ecclésiaux) qui ont précédé cette démarche entreprise par le pape Pie XI à l’époque ?
JLB : Par une lettre du 25 avril 1922, dans laquelle l’évêque d’Orléans (Mgr Touchet) récapitule l’historique des événements, nous apprenons que tout avait commencé autour de Jeanne d’Arc dans le cadre de la Grande guerre qui venait de se terminer : « Le Parlement, en décrétant pour elle une fête nationale, l’avait placée aussi haut qu’il pouvait sur les autels de la Patrie ; le Pape, pensions-nous, en la déclarant notre patronne liturgique, la mettrait aussi haut que possible sur les autels de notre Eglise. La plus belle, la plus noble, la plus sainte des filles de France aurait bien la place qui lui convenait, ayant atteint les deux cimes : la cime sacrée et la cime civique. »
Mais à la faveur de diverses audiences ou échanges intervenus fin 1921 avec le Pape de l’époque (Benoît XV) et ses services, Mgr Touchet comprit rapidement que le Saint-Siège pourrait accueillir favorablement non seulement la demande concernant Jeanne d’Arc, mais aussi une autre demande concernant cette fois-ci le « patronat de la Sainte vierge sur la France ». Pour cela, l’évêque d’Orléans était invité à établir – avec l’ensemble des cardinaux, archevêques et évêques de France – un argumentaire précis. Ce fut réalisé dans une supplique datée du 21 décembre 1921 ainsi rédigée :
« Considérant en ce qui concerne la très Sainte Vierge Marie que la France, par un adage immémorial, est appelée le royaume de Marie « Regnum Galliae, Regnum Mariae » et qu’elle mérite vraiment ce titre :
A) Par sa théologie :
1° Puisque ses principaux docteurs lui en ont enseigné le culte avec un zèle admirable : Saint Irénée de Lyon, saint Eucher de Lyon, Saint Hilaire de Poitiers, Saint Anselme, abbé du Bec avant d’être archevêque de Cantorbéry, saint Bernard de Clairvaux, Saint-François-de-Sales qui lui appartient par la langue, le bienheureux Grignon de Monfort, celui que l’on a appelé le dernier des Pères de l’Eglise parce qu’il les résume tous, Bossuet ;
2° Puisque sa grande école de théologie, la Sorbonne, en dépit d’erreurs trop certaines, eut pour Marie un culte immémorial, spécialement fut toujours fidèle depuis le XIIIe siècle à la doctrine de l’Immaculée Conception, dont elle finit par imposer l’enseignement à ses docteurs, sous serment.
B) Par ses monuments :
Puisque trente-quatre de nos cathédrales attestent magnifiquement la foi des peuples (se souvenir de Notre-Dame de Reims, de Notre-Dame d’Amiens, de Notre-Dame de Paris, de Notre-Dame de Rouen, de Notre-Dame de Bayeux, de Notre-Dame de Coutances) ;
C) Par ses pèlerinages :
Notre-Dame la noire à Chartres, Notre-Dame du puy, Notre-Dame de Ferrières, Notre-Dame de la Délivrande, Notre-Dame de Rocamadour, Notre-Dame de Fourvières, Notre-Dame de La Salette, Notre-Dame-des-Victoires etc., etc., et les dominant tous, le pèlerinage mondial de Notre-Dame de Lourdes.
D) Par les apparitions de Marie :
Apparitions que l’Eglise ne réprouve pas, ou que l’Eglise semble consacrer. Pour ne parler que du siècle dernier : Apparition à Catherine Labourée avec la médaille miraculeuse, apparition de Notre-Dame de La Salette, apparition de Notre-Dame de Lourdes, apparition de Notre-Dame de Pontmain, apparition de Notre-Dame de Pellevoisin ;
E) Par la foi de ses princes et de ses peuples :
Clovis, à peine converti, jette dans la cité de Paris à l’emplacement du temple druidique les fondements d’une Notre-Dame qu’acheva son fils Childebert. » Charlemagne bâtit trois églises à Marie. … Saint-Louis récitait chaque jour l’office de la Vierge. Saint Dominique institue en France le rosaire. Louis XI bâtit Notre-Dame de Cléry en exécution d’un vœu, et pour ne point parler des autres, Louis XIII consacre son royaume à Marie : « Nous avons déclaré et déclarons que, prenant la Très Sainte et Très Glorieuse Vierge pour protectrice de notre royaume, nous Lui consacrons tout particulièrement notre personne, notre couronne, notre état et nos sujets ». Or la procession que le roi ordonna aux évêques de son royaume de faire tous les ans le jour de l’Assomption en commémoration de cette consécration royale est encore pratiquée dans toutes nos églises (…). »
Qu’est-ce que les évêques de France ont demandé unanimement au Pape et pourquoi ?
Après avoir dressé un tel constat, la conclusion s’imposait : « En conséquence, lesdits cardinaux, archevêques, évêques supplient très humblement et très instamment, en leur nom personnel et au nom de leur peuple, Sa Sainteté de daigner concéder officiellement que la Vierge Marie soit tenue par tous pour la patronne principale de la France, et Sainte Jeanne d’Arc pour sa patronne secondaire. »
Quel est le message délivré par Pie XI aux Français à la faveur de son acte du 2 mars 1922 ?
Le pape Benoît XV étant décédé le 22 janvier 1922, un conclave fut convoqué qui élit Pie XI, intronisé le 12 février 1922. L’acte posé le 2 mars 1922 est donc l’un des tous premiers réalisés par le nouveau Pape. Le but poursuivi par le Pape est clairement annoncé dès le premier paragraphe : « Le bien spirituel de la France. » À la fin du 2e paragraphe, le Pape confirme : « Il nous est doux et agréable… de décréter ce qui pourra devenir pour la France une cause de bien, de prospérité et de bonheur. »
Le message lui-même est donné à l’avant-dernier paragraphe : « … que… la France catholique, ses espérances tendues vers la vraie liberté et son antique dignité, soit vraiment la fille première née de l’Eglise romaine ; qu’elle échauffe, garde, développe par la pensée, l’action, l’amour, ses antiques et glorieuses traditions pour le bien de la religion et de la patrie ».
Quelles sont ces « antiques et glorieuses traditions » que le pape Pie XI invite les Français à conserver vivantes et à développer de toutes les manières possibles ?
La réponse est expressément et clairement donnée : tout ce qui contribue « à promouvoir et à amplifier à travers la France le culte de la vierge mère de Dieu ». Et le pape cite les 4 exemples suivants :
- Les enseignements donnés : tous ces saints de France et docteurs de l’Eglise « depuis les premiers siècles de l’Eglise et jusqu’à notre temps » (dont saint Irénée, Saint Bernard de Clairvaux, Saint-François-de-Sales) qui ont tant favorisé le culte de la vierge Marie en France ;
- Les constructions de monuments sacrés dédiés à Marie : les 34 cathédrales dédiées à Marie, avec parmi les plus célèbres Reims, Paris, Amiens, Chartres, Rouen ;
- Les pèlerinages vers les sanctuaires marials « l’immense affluence des fidèles accourant de loin chaque année, même de notre temps, aux sanctuaires de Marie montrent clairement ce que peut dans le peuple la piété envers la mère de Dieu »
- « Les principaux et les chefs de la nation qui se sont faits gloire longtemps d’affirmer et de défendre cette dévotion envers la Vierge », citant Clovis (qui, après sa conversion, s’empresse de poser les fondements de la future cathédrale Notre-Dame de Paris), Charlemagne, les ducs de Normandie (qui proclament Marie mère de la nation), Saint-Louis (qui récite chaque jour l’office de la vierge), Louis XI (qui édifie pour la accomplissement d’un vœu Notre-Dame de Cléry), Louis XIII (qui consacre le royaume de France à Marie et promeut la fête de l’Assomption pour le 15 août).
Ce message est-il toujours actuel ?
JLB – Non seulement le message du pape Pie XI pour « la France, justement appelée la fille aînée de l’Eglise » est toujours d’actualité aujourd’hui, en 2022, mais le pape Pie XI a lui-même expressément entendu qu’il en soit ainsi « de perpétuelle mémoire ». Tels sont en effet les 3 premiers mots de son acte du 2 mars 1922.
Et pour être bien certain que cette dimension ne puisse échapper à personne, le pape Pie XI termine ainsi son acte : « Nous concédons ses privilèges, décidant que les présentes lettres soient et demeures toujours fermes, valides et efficaces, qu’elles obtiennent et gardent leur effet plein et entier, qu’elles soient, maintenant, et dans l’avenir, pour toute la nation française, le gage le plus large des secours célestes, qu’ainsi il en faut juger définitivement, et que soit tenu pour vain dès maintenant et de nul effet pour l’avenir tout ce qui porterait atteinte à ces décisions, du fait de quelque autorité que ce soit, sciemment ou inconsciemment. Nonobstant toutes choses contraires ». On ne peut être plus clair !
Comme l’affirme ce pape « Il est certain, selon un ancien adage, que « le royaume de France » a été appelé le « royaume de Marie », et cela à juste titre. »
100 ans plus tard, l’Association Marie de Nazareth et bien d’autres souhaitent célébrer largement cet anniversaire. Comment et pourquoi tous les Français sont-ils invités à participer ?
JLB – Nous voulons inviter tous les Français à participer pour avoir l’occasion de redécouvrir cette histoire d’amour qui a existé, qui existe aujourd’hui et qui existera toujours entre les Français et Marie ; pour faire l’expérience d’une rencontre personnelle avec Marie et transmettre aux générations futures leur amour pour Marie. J’ai été frappé par le constat de l’évêque d’Orléans il y a 100 ans : « Considérant les faits multiples de notre culte national…, nous avions conclu que notre nation s’était conduite avec Marie comme si elle eût été sa patronne, et que Marie s’était conduite comme si elle eût été la patronne de notre nation. » Ce qui était vrai il y a tout juste 100 ans, pourquoi cela ne serait-il pas encore aujourd’hui ?
Notre préoccupation majeure est donc de permettre à Marie de rejoindre chaque habitant de France, où qu’il se trouve, particulièrement s’il est à la périphérie de l’Église, et qu’il puisse poser au moins une fois durant l’année 2022 un acte, même symbolique, manifestant son amour pour Marie.
Résultat de toutes les manifestations d’amour des Français envers Marie dans les siècles passés, notre terre de France est couverte d’églises, de statues de Marie, de croisées de chemin avec des oratoires, des sanctuaires marials… Retrouver ce patrimoine, le remettre à l’honneur, le faire vivre, réciter un chapelet, fleurir une statue, accueillir une statue de Marie chez soi, la faire circuler dans d’autres maisons, organiser des petites processions locales, ou des veillées de prière pour chanter Marie et lui confier nos intentions, et bien sûr aussi susciter des pèlerinages : voici le type d’initiatives que nous souhaitons promouvoir avec le souci d’atteindre les espaces les plus reculés de France, et ceci toujours dans le même but : faire une rencontre personnelle avec Marie !